Les essences de bois

Quiricu Grisoni, scieur de long

La langue corse fait la distinction entre deux catégories d'arbres : arburetti, les petits arbres qui composent a machja (le maquis) et arburi, les arbres proprement dits.

Dans les temps anciens, les arbres (arburi) fournissaient le bois de chauffage, mais pratiquement toutes les essences étaient utilisées pour fabriquer des manches d'outils, des roues de charrette, des bas et jougs d'animaux, des ustensiles de cuisines ou des pieux de clôture...

Ainsi, le houx (caracutu) coupé à la lune du mois de juin, servait à fabriquer des cuillères, des manches ou des pieux, le nerprun (alitarnu) était utilisé pour les fourches et les  manches, le cyprès (cipressu) pour sculpter des statues, la bruyère mâle (scopa masculina) fournissait principalement le bois des ébauches de pipe... On utilisait aussi le robinier (accassia) l'olivier (alivu)  l'aulne (alzu), le buis (bussu) ,  le hêtre (u fovu), le frêne (u frassu), le genévrier (u ghjineparu), le noyer (u nociu), le cormier (sorbu), le saule (a vetricia).

Coeur d'un olivier centenaire (Castagniccia)

La plupart des bois étaient coupés à la lune, quelques uns à la nouvelle lune (ghjineparu) et, en règle générale, à l'automne. Certaines devaient cependant être coupées plutôt l'été (a vetricia), d'autres plutôt l'hiver, d'autres enfin pouvaient être coupées à partir de l'automne jusqu'au début des sulleoni (période de canicule).

Une fois coupé, il était recommandé de laisser tremper le bois 2 à 3 mois dans de l'eau. Certaines essences devaient tremper dans de l'eau courante (bussu), d'autre tel l'aulne qui pousse en bordure des rivières devait rester dans son eau (stu legnu hè eternu, sopprattutu s'ellu hè indè a so acqua).

Parfois, il était bon d'enterrer le bois, comme la scopa, et de le recouvrir de fougères qui conservent l'humidité...

Pièce de genévrier provenant d'une ancienne poutre du 17° siècle (Moltifau)

Le bois devait ensuite être laissé de longs mois à l'abri de la lumière. De l'extérieur vers le coeur, un tronc d'arbre sèche d'environ un centimètre par an...

On pouvait accélérer le processus de séchage lorsqu'il s'agissait de petits objets de bois (ébauches de pipes, ustensiles de cuisine ou manche de couteau). Il fallait alors faire bouillir les ébauchons environ une journée, puis les mettre à sécher trois ou quatre mois, à l'abri du soleil.

Quand le bois était bien sec (c'est-à-dire, en fait complètement vidé de sa sève), il était d'usage notamment pour les manches de couteaux ou de stylets, de le laisser tremper quelques journées dans de l'huile déjà cuite...

Tama di scopa (Racine de bruyère)

Le rôle de la Lune ?

De tous temps, la lune a tenu un rôle majeur dans la vie des paysans. C'est la Lune qui décidait de l'époque des semailles, de la taille du bois, qui permettait de prévoir le temps qu'il ferait dans les semaines à venir...

Lune montante, Lune descendante, Lune noire, nouvelle Lune, Première Lune, Pleine Lune, Vieille Lune... Comment s'y reconnaître ?... En observant le ciel.

Mais la Lune ment : lorsque ses croissants forment la lettre C, on pourrait penser qu'elle croît. En réalité, elle décroît...

Cependant, si en dessinant une ligne imaginaire entre ses pointes, on lit la lettre P (pour premier), alors  la Lune est montante. Si on lit la lettre D (pour dernier), alors la Lune est descendante.

Mais pour connaître l'âge de la Lune, les paysans corses n'avaient pas besoin de consulter le Ciel.

Ils utilisaient le compte de Salomon, une méthode extraordinaire qui permet de connaître l'âge exact de la Lune en fonction de l'épacte ( a Palla). Cette méthode de calcul qui puise son origine dans la Nuit des Temps, étonne encore aujourd'hui nombre de scientifiques par sa simplicité et la précision de ses résultats.